Les vicomtes de Marseille sont une famille vicomtale dont l’origine remonte au milieu du Xe siècle avec un certain Arlulf. La vicomté seigneuriale s’éteint en 1216 avec Roncelin de Marseille, abbé de l’Abbaye Saint-Victor de Marseille, qui est le dernier de la lignée à posséder des droits sur la vicomté.
Pour l’historien du droit Jean-Pierre Poly (La Provence et la société féodale 879-1166, Bordas, Paris, 1976), la plus grande partie des fiscs marseillais auraient été donnés par le roi de Bourgogne-Provence Conrad III à Arnulf le Viennois, autour des années 950. Il s’agit d’un domaine immense, d’environ 60.000 hectares, qui s’étend du Val de Trets à Marseille. Arlulf reçoit non seulement la Curtis (le foncier), mais en plus, l’exercice et le profit de tous les droits publics rattachés, autrement dit le ban seigneurial : pouvoir de justice, de police et de commandement. Arlulf est le plus ancien ancêtre des vicomtes de Marseille et peut être considéré comme le premier d’entre eux, même s’il semble ne pas en avoir eu le titre.
D’après l’hypothèse de George de Manteyer (La Provence du Ier au XIIe siècle : Études d’histoire et de géographie politique, Librairie Alphonse Picard & fils, Paris, 1908) et reprise par J.P. Poly, Arlulf serait le petit-fils du comte Teutebert, appelé aussi Thibert qui avait administré le Royaume de Provence pour le compte du roi Louis III l’Aveugle dans les années 890-908. Il appartient donc à la noblesse franque installée dans les pays du Bas-Rhône à l’époque carolingienne et plus probablement à celle originaire du Viennois venu à la suite d’Hugues d’Arles et qui a su s’enraciner en Provence.
Toutefois, les derniers travaux sur la famille de Marseille remettent en cause son ascendance comtale et attribuent son installation en Provence à l’influence du roi Conrad, dont Arlulf serait un vassal. L’historien médiéviste Martin Aurell présente quant à lui une version conciliant à la fois la parenté avec les comtes Thibert et les relations privilégiées avec le roi Conrad : « L’histoire de la famille de Marseille (…) : ses fondateurs avaient des racines bourguignonnes, le comte Arlulf, à qui Conrad avait remis la tour de Trets, étant apparenté au comte Thibert, franc établi à Vienne à la cour de Louis l’Aveugle. »
Seigneurs de Marseille et de Trets, les vicomtes de Marseille réussissent avant la fin du Xe siècle à se soustraire à la domination des comtes de Provence. Ils se créent une sorte de souveraineté. Ils ne sont plus astreints qu’à un service de chevauchée (service militaire) envers leurs suzerains, et prétendent tenir leur vicomté de la grâce de Dieu et ne pas relever des comtes de Provence. Le sel leur app
artient. Leurs sceaux les représentent à cheval et armés de toutes pièces. Presque toujours un de leurs fils occupe le siège épiscopal du diocèse. Du reste, les évêques suivent les vicomtes dans cette voie d’indépendance. Les évêques ont la seigneurie de la ville supérieure, et les vicomtes, maîtres de la seigneurie de la ville inférieure, jouissent en outre de droits domaniaux dans tout le reste du district, qui embrasse bientôt le littoral depuis Fos jusqu’à l’embouchure du fleuve Argens, près de Fréjus, la vallée de l’Huveaune et le pays situé sur la rive orientale de l’étang de Berre.
Marseille comprend trois villes différentes qui sont : la cité abbatiale, la cité épiscopale et la cité vicomtale ; la première soumise à la puissante abbaye de Saint-Victor de Marseille dont les possessions s’étendent jusqu’en Espagne et en Italie ; la seconde appartenant à l’évêque, la troisième, enfin, sous la dépendance des vicomtes de Marseille qui, dès le Xe siècle, y ont fait des constructions militaires importantes et l’ont entourée de remparts.
La ville qui connaît une croissance spectaculaire à partir du XIIe siècle ne tarde pas à s’opposer aux vicomtes qui morcèlent leur héritage, à chaque génération, prenant tous le titre de vicomte ou de co-vicomte. Les vicomtes de Marseille, en divisant leurs domaines, en disséminant leurs richesses, laissent tomber chaque jour un lambeau de leur autorité, au profit également de l’abbaye de Saint-Victor de Marseille, que leurs grandes libéralités entourent d’un prestige énorme. Mais le pouvoir des vicomtes de Marseille se heurte surtout aux résistances énergiques du conseil municipal de la cité, habile à étendre ses prérogatives. Représentant et défenseur des intérêts d’une ville attachée à son indépendance la solide organisation de la bourgeoisie de Marseille contrecarre avec efficacité le pouvoir des vicomtes qui désertent petit à petit la cité pour s’établir dans leurs châteaux-forts de campagne. Déjà évincés des affaires publiques par le conseil municipal, ils ne gouvernent plus vraiment, et toute leur autorité se borne de plus en plus à la possession de quelques droits domaniaux.
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